de Marielle Gillet 2008

Dessine-moi un visage.

Et tu me diras qui je suis… Car « je est aussi un hôte ». Celui des visages que nous croisons

 Manu Piron. Quatre syllabes d’artiste dont le cœur bat au rythme des traits qu’elle compose sur gravure. Des visages. Des visages qui s’envisagent et qui l’envisagent, elle Manu, ou «Manuella», selon les saisons. Car son prénom, au gré des humeurs, peut aussi se mettre à chanter et rimer en «la».

C’est comme si Manu avait la tête sur les épaules de ceux qu’elle peint. Des personnages multiformes, des joues acérées, des cheveux fatigués, des yeux ignorés. Manu s’étiolerait, si elle ne pratiquait pas. Son œuvre est inspirée par des destins anonymes. Ses gravures sont du mouvement qui se repose, autour d’une pluie d’âmes perdues. Ou non.

Manu creuse des visages. Beaucoup.      Dans l’atelier de l’artiste, l’art attend son heure, embusqué derrière les visages de ses rencontres ou des métaphores qui habitent ses utopies. Des traits se forment, subliminaux souvent. Certains ont le talent d’être vieux sans être adultes, car ils semblent murmurer aux oreilles candides que le temps passe –et drôlement vite-, mais ont gardé une trace d’enfant. Manu creuse, remplit, tapisse la jute rongée de couleurs, selon ses états d’âme. Puis ronge à nouveau. Les blancs sont évidés par la gouge.

Dans la vie, Manu Piron fait de son art une thérapie. Soucieuse de peindre en écho, ses visages qu’elle n’a pas vus, mais qu’elle pourrait croiser un jour, partent à la rencontre des âmes en recomposition. Quand Manu manie ses «cisailles», c’est d’un geste qui tranche, à la fois brut et brutal. Ses outils chirurgicaux soignent les destins qui viennent à sa rencontre.

Voilà peu, on aime à rêver que l’artiste s’est assise en tailleur face à un arbre. Insatiable de n’en avoir jamais fini avec la nature humaine, elle s’est dès lors trouvé des affinités avec la nature… tout court. Il en est né une série de gravures autour de l’arbre. Des feuilles en pluie ou en larmes sur lesquelles l’œil grave le calligramme de mots, en cris, en rires ou en larmes… qu’il veut y lire.

Marielle Gillet