de Hakima Lebbar 2015

Le silence musical

Gravures de Manuella Piron

Il n’est pas innocent de présenter une exposition de Manuella Piron lors d’un festival de Jazz car le travail de Manuella est aussi mouvement et musique.

Avec cette exposition, l’artiste nous propose une ballade joyeuse dans la nature avec les bruissements circonfériques de l’escargot et de la toile d’araignée ou encore ceux de l’eau et des anneaux des vers de terre.

Manuella nous donne aussi à voir les chuchotements des feuillages qui se mêlent aux rondes des fourmis. Benoit Piedboeuf nous dit que dans les propos de Manuella, il y a du végétal, du marin, des paysages naissants … et il y a aussi du microscopique. En effet l’artiste nous a confié que le mouvement circulaire de la vie observée au microscope l’a beaucoup influencée et elle a essayé de le représenter dans ses travaux.

Avec un minimalisme du geste et de la couleur (noir et blanc), Manuella a pu créer un univers puisé dans la nature, et surtout, bien à elle. Quand elle ajoute de la couleur, ce ne sera que le vert, celui des entrelacs de la chlorophylle et celui d’autres branchages qui taquinent les étoiles.

A travers son travail tout de blanc, de noir, de vert et d’abstraction, Manuella Piron semble vouloir inscrire un essentiel et nous rapprocher de la vie qu’elle inscrit dans le geste de la gravure sur lino.

La technique de la gravure sur lino est très physique et les passages de couleur requièrent une discipline réelle et un ajustement permanent de la pensée créative nous dit Pierre Alain Gillet

L’artiste s’est toujours intéressée à la matière tant en ce qui concerne le support que le travail et le rendu. Elle a d’abord choisi le vitrail et ensuite le papier et la gravure sur lino et on peut l’imaginer aisément caressant les cloisonnements du vitrail comme les creux de la gouge dans le lino.

Quant aux sujets, elle a d’abord beaucoup travaillé les portraits, des portraits anonymes auxquels elle donné de la vie et aujourd’hui par le lien et le liant qu’est la vie, elle travaille dans et sur la nature.

 

Manuella Piron, artiste belge, est née en 1969.

Lorsqu’elle entreprit des études artistiques à Liège, elle recherchait autant la sensibilité artistique que la sensibilité humaine et elle a continué à chercher jusqu’à rencontrer des maîtres, nous dit-elle, lors de son apprentissage des techniques d’impression. Plus tard, elle a suivi un enseignement d’aptitude pédagogique à l’institut d’enseignement et de promotion sociale et a fini par mettre un pont entre ces différentes formations en effectuant un travail de recherche intitulé « Soigner le lien en art-thérapie ».

Un cheminement de vie qui fait qu’aujourd’hui elle répartit son temps entre le travail de la gravure, l’enseignement du dessin, et la direction d’ateliers d’art thérapie avec des jeunes et des adolescents en difficulté. Et son travail de pédagogue et de thérapeute retentit forcément sur la sincérité de son travail artistique.

Manuella Piron a réalisé régulièrement des expositions individuelles et participé à des expositions collectives depuis 1992, en Belgique et dans d’autres pays. Son travail a été honoré par plusieurs prix (Centre de la gravure et de I’image imprimée à La Louvière, prix international Limes)

Hakima Lebbar

Galerie Fan Dok, Rabat Septembre 2015

 

Quelques témoignages de personnes qui la connaissent.

Benoit Piedboeuf

Manu dévoile des traces, des souvenirs, des imprégnations, elle traduit pour nous le mouvement, l’articulation des formes variées de la vie. Elle ouvre notre cœur à la beauté du naturel. Certaines de ses œuvres sont respirations, mouvement retenu en attente du regard : si on s’arrête devant certaines gravures et qu’on regarde avec intensité, en retenant son souffle, l’encre se réveille, les formes bougent, respirent, le souffle de l’eau ou de l’air se révèlent.

Son travail est soigné, délicat, précis. Il est le reflet de sa personnalité : simplicité et rigueur, gentillesse et travail, attention à tout et à tous, émotion de la solidarité. Manu est chaleureuse et amitieuse, enthousiaste et émotive, elle a de la joie de vivre et elle la communique … .              

Marielle Gillet

C’est comme si Manu avait la tête sur les épaules de ceux qu’elle peint … Ses gravures sont du mouvement qui se repose, autour d’une pluie d’âmes perdues. Ou non …

… on aime à rêver que l’artiste s’est assise en tailleur face à un arbre. Insatiable de n’en avoir jamais fini avec la nature humaine, elle s’est dès lors trouvé des affinités avec la nature… tout court. Il en est né une série de gravures autour de l’arbre. Des feuilles en pluie ou en larmes sur lesquelles l’œil grave le calligramme de mots, en cris, en rires ou en larmes… qu’il veut y lire.

Dans la vie, Manu Piron fait de son art une thérapie … Quand Manu manie ses «cisailles», c’est d’un geste qui tranche, à la fois brut et brutal… Ses outils chirurgicaux soignent les destins qui viennent à sa rencontre.

Pierre-Alain Gillet    

Par la gouge, elle fait affleurer l’écume de la vie enfouie … Manuella, …, décoiffe l’air, les arbres, mâche les feuilles, tisse des nœuds gordiens. … les fleurs s’émiettent de lumière, la rosace trace le grand vitrail, se baigne dans la rosée des champs, les épines comptent fleurette.

Ce que produit Manu Piron en striant un matériau … ne peut que parler directement au cœur. La gouge sillonne la vie, car dans les œuvres de Manu Piron, la frontière entre l’art et la vie réelle est quasiment inexistante.